Se promener dans les rues de Pernes, c’est arpenter les pavés de la vieille France, celle de nos aïeux… c’est écouter le ruissellement de l’eau de toutes ces fontaines qui vont la chercher dans ces Sorgues dont la fraîcheur et la clarté ravissaient déjà Pétrarque... Au carrefour de la rue Victor Hugo, vous n’avez pu résister - comme moi - à plonger la main pour vous rafraîchir dans cette si belle fontaine et son charmant lavoir :
Et alors, comme moi, vous n’avez pas dû manquer de lever la tête vers cette muraille sévère qui s’élève verticalement et semble se perdre dans les nuages… ici, vous êtes devant la tour Ferrande, au temps de saint Louis :
Cette tour vous regarde du haut de ses huit siècles… Entrez, elle va vous raconter l’épopée de la conquête de la Sicile par Charles 1er, duc d’Anjou, Comte de Provence et frère de saint Louis… et vous verrez, c’est une véritable Bande dessinée qui vous attend. Tout y est, un scénario épique, un dessin précis, des couleurs flamboyantes et même les bulles de texte...
Autant vous prévenir : du dehors, la tour est massive, imposante. À l’intérieur, on est surpris : c’est exiguë : l’épaisseur énorme des murs mange tout, n’oublions pas que c’est un ouvrage militaire !
Un escalier très étroit mène aux étages et sur le premier palier, saint Christophe nous attend. C’est le passeur, un bon géant, celui qui vous fait traverser les rivières car il en connaît les dangers, le bâton à la main pour assurer sa marche, les pieds dans l’eau, portant l’enfant Jésus sur ses épaules :
En tant que passeur, c’est le patron des voyageurs, celui qu’on invoque en partant au loin, qui vous protègera des périls ou au moins, vous assurera une bonne mort à l’issue du périlleux voyage qu’est la vie, cette « bonne mort » qui vous ouvrira le Paradis. Que pourrait-on lui demander de mieux ? S’il est là en haut de l’escalier, c’est qu’il vous annonce un voyage lointain, hasardeux : la conquête de Naples et de la Sicile par Charles 1er duc d’Anjou sur les Hohenstaufen du Saint Empire romain germanique adversaires du Pape. Nous sommes en 1265, le Pape Clément IV investit le duc d’Anjou de son expédition ; à gauche Charles, la couronne sur la tête, au centre Clément IV coiffé de sa tiare lui tend la « bulle » d’investiture devant l’assemblée de ses cardinaux à droite :
L’armée angevine sur ses puissants destriers quitte son camp de tentes multicolores :
Les deux lignes de chevaliers en armure, lances baissées se chargent au galop :
Des duels singuliers s’engagent, un chevalier contre un maure, à gauche, teint basané et turban flottant au vent qui ressemble à s’y méprendre au Maure figurant sur le blason de la Corse :
Et la bataille se gagne lorsque le chevalier des Baux en combat singulier, brise sa lance dans la tête de son adversaire, le prince Manfred :
Le nouveau roi, Charles d’Anjou distribue les fiefs ennemis à ses vassaux :
Il reste à magnifier sa victoire sur le champ de bataille : la nuit est tombée, un chevalier au galop brandissant une torche, traîne Manfred dans la poussière attaché à la queue de sa monture :
Toutes ces scènes s’insèrent dans un décors peint qui recouvre la totalité des murs :
Et même les plafonds :
Vous y verrez aussi des restes de mobilier, comme cette bibliothèque n’attendant plus que les volumens et les codex enluminés :
Et surtout en sortant ne manquez pas de saluer la Bonne Mère tenant son enfant dans les bras et qui vous bénissent tous les deux :