L’abbaye se mérite ! Laissez votre voiture à Boulbon. Après 3 km de méditation dans la solitude odoriférante de la garrigue, suivez le Chemin de Croix qui descend en 14 stations - charmantes tourelles crénelées - à travers le vallon boisé.
Vous y voilà : le rempart et ses tours façon Viollet-le-Duc attestent de la restauration de l’Abbaye au XIXe après sa spoliation par la Révolution, puis sa transformation en collège, fréquenté par Frédéric Mistral enfant.
Rachetée en 1854 par le diocèse d’Aix, son premier Abbé - Edmond Boulbon - le restaurateur des Prémontrés en France - construit l’abbatiale (basilique de l’Immaculée-Conception depuis Jean-Paul II) : un bijou du néogothique troubadour du XIXe s. Le décor pictural - par Sublet, sur le modèle de la Sainte Chapelle - est étonnant de fraicheur. Son mobilier - chaire, bancs, chancel, lustres, porte-cierges, candélabre sont dessinés pour ce monument. Magnifique !
À gauche de la nef, asseyez-vous dans la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Remède pour admirer les boiseries du XVIIe et les 14 Mignards - récemment restaurés - offerts en gratitude par la reine Anne d’Autriche qui vint y implorer un héritier - le futur Louis XIV - et y fut exaucée.
Les offices des heures avec les moines vous attendent non loin de là, à la chapelle Saint-Michel, simple, dépouillée, austère, à l’image de la communauté. Pendant les longues soirées du confinement, prolongez votre plaisir en vous penchant sur son Histoire tourmentée : sa fondation vers 1100, six siècles d’histoire agitée, sa fermeture et sa confiscation en 1791, son rachat et sa restauration en 1854, sa confiscation et le bannissement illégal des moines en Italie en 1880 après un célèbre siège de 3 jours par un bataillon de dragons et une batterie de canon… leur retour en 1898, à nouveau la confiscation en 1903 et l’exil à Leffe en Belgique où ils achètent et rebâtissent l’abbaye, et enfin le rachat des bâtiments de Frigolet et le retour des moines en 1922. Une épopée, je vous dis…
François-Marie Legœuil